Normativité et recrutement

Dubois Nicole Université de Nancy 2 Université de Nancy 2
Nicole.Dubois@univ-nancy2.fr

Grimault Valérie Université de Nancy 2

La normativité en matière d'internalité intervient dans le recrutement (Luminet, 1996 ; Pansu, 1997, Pansu et Gilibert, 2002 ; Mignon, Mollaret et Rousseau, 2003, Le Floch et Rossi, 2004) : un candidat connu pour privilégier les explications causales internes des événements est préféré à un candidat connu pour privilégier les explications externes. Dans la recherche présentée, nous avons voulu savoir si un tel constat pouvait être généralisé à d'autres normes de jugement, mais aussi à des normes de comportement. Pour ce qui est des normes de jugement, en nous référant à la théorie de la bi-comopentialité de la valeur (Beauvois et Dubois, 2004), nous avons distingué la norme d'internalité, supposée ancrée dans l'utilité sociale : U et la norme d'ancrage individuel, supposée ancrée dans la désirabilité sociale : D : (cf. Dubois, 2006). Pour ce qui est des normes de comportement, la norme prise en compte est une norme d'ajustement à la vie en collectivité. 180 étudiants d'une école de commerce ont reçu le dossier fictif d'un candidat à un poste d'assistant de marketing. Le dossier comprenait un CV, les réponses données à un questionnaire dit de compétences sociales. Les étudiants recevaient le CV et un questionnaire soit d'internalité, soit d'ancrage individuel, soit d'ajustement, questionnaires remplis soit de façon normative, soit de façon contrenormative. Après avoir pris connaissance du dossier, les sujets devaient indiquer 1) la probabilité que le candidat soit recruté et 2) dans quelle mesure chacun de 12 traits positifs fournis (6 traits U et 6 traits D) caractérisent le candidat. Les résultats (ANOVA) montrent que si, quelle que soit la norme, le candidat normatif est davantage recruté que le candidat contrenormatif, ce n'est pas pour les mêmes raisons : alors que le candidat interne doit son recrutement à son utilité, le candidat ancré individuellement le doit à sa désirabilité. Quant au candidat normatif en matière d'ajustement, il le doit tant à son utilité qu'à sa désirabilité. Notons un autre résultat: si les 3 candidats normatifs ne se différencient pas au niveau de leur valeur, les candidats contrenormatifs ne sont pas dévalorisés de la même façon : le candidat externe est le plus dévalorisé en matière d'utilité sociale, le candidat non ajusté est le plus dévalorisé en matière de désirabilité sociale. Est-ce à dire qu'en matière de norme de jugement ancrée sur l'U on valorise surtout le respect de la norme alors qu'en matière de norme comportementale, on stigmatise surtout sa transgression? Ces résultats reproduisent des résultats maintenant bien connus et les complètent grâce à l'évocation de la bi-componentialité de la valeur sociale. Ils peuvent donc être repris par les nombreux formateurs qui travaillent dans les services ressources humaines ou dans les écoles de management pour aider les recruteurs à expliciter leurs critères de jugement en leur apportant un panel de résultats pouvant servir de référence.